Paru sur d’autres blogs : la dette publique n’est pas un mal en soi…

Je reviens aujourd’hui sur le débat sur la dette publique que j’avais abordé il y a un peu plus d’un mois en préparation du café sur les retraites.

L’excès de la dette suscite un large consensus politique. Déjà en 1993-1995, Balladur, alors Premier Ministre, et Sarkozy, Ministre du budget, comparaient l’Etat à « un bon père de famille » qui ne pouvait pas dépenser plus que ses revenus, réduisant ainsi le comportement macroéconomique de l’Etat à un comportement individuel de ménage (tout en faisant l’impasse sur les arbitrages intertemporels de consommation et d’épargne que ce ménage peut faire !).

De même, durant la campagne présidentielle de 2007, on retrouvait cette idée chez un certain nombre des candidats (point 3), qu’il s’agisse de François Bayrou, de Ségolène Royal (et rapport Strauss-Kahn), de Nicolas Sarkozy, ou des libéraux (rapport Pébereau).

Mais cette idée selon laquelle la dette serait quelque chose de « mal », appartient au champ de l’idéologie politique, sans pour autant reposer sur des fondements économique clairs, que ce soit théoriquement ou empiriquement.

En effet, l’idée de nécessaire réduction de la dette « repose sur un certain nombre de prémisses contestables, et occulte certaines vertus de la dette publique dans une perspective macroéconomique », comme le souligne Gizmo dans un post sur « la dette publique, horreur économique« .

Les critères de Maastricht, puis du Pacte de Stabilité et de Croissance, définissent la dette comme les engagements financiers bruts consolidés de l’ensemble des administrations publiques (centrales, locales et de sécurité sociale).

Ainsi, Gizmo, revient sur l’équation dynamique de la dette publique : la dette actuelle en part de PIB dépend de la dette de la période précédente en part de PIB, du taux d’intérêt nominal, du taux d’inflation, du taux de croissance et du déficit budgétaire en part de PIB. Par conséquent, « plus l’inflation est forte, plus on rembourse en « monnaie de singe », plus la production de richesse annuelle est élevée, plus il est aisé de rembourser ».

Par rapport aux critères de Maastricht (dette inférieure à 60 % du PIB et déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB), lorsque le taux d’intérêt réel est inférieur au taux de croissance économique, la dynamique de la dette est stable pour un niveau de déficit donné. Inversement, elle est instable lorsque ce taux d’intérêt devient supérieur au taux de croissance, puisque la charge de remboursement devient exorbitante par rapport au potentiel de croissance. Si les pouvoirs publics souhaitent contenir l’évolution de la dette dans ce cas, ils doivent dégager un excédent budgétaire primaire.

L’auteur revient ensuite sur le fait que les critères de Maastricht ne sont en rien optimaux. La recherche d’un niveau de dette optimal supposerait de définir des critères d’optimalité :

1/ la définition de l’endettement public est sujette à caution. Doit-on étendre la notion de dette aux engagements de retraites des administratifs vis-à-vis des fonctionnaires ? A tous les engagements de protection sociale ? « si la dette publique française est un engagement des générations présentes vis-à-vis des générations futures, ne devrait-on pas rapporter la dette publique, non pas au PIB, mais à la population future ? », alors que les taux de natalité sont fortement différents entre les pays européens, comme le souligne Gizmo.

2/ les titres de dette publique sont une créance pour leurs détenteurs. Limiter l’endettement public, c’est priver les investisseurs de placements sans risque.

3/ la dette publique n’est « l’ennemie » des classes moyennes : « si les banques et caisses d’épargne peuvent servir des intérêts positifs sur les comptes et livrets rémunérés à des taux réglementés, c’est parce qu’elles détiennent à leur actif des titres publics ».

L’auteur conclut sur le fait que « la dette publique n’est pas une horreur économique, mais la peur d’une société frileuse et vieillissante ».

Laurent Guerby consacre un article sur son blog à la malhonnêteté du discours sur la dette et à la substituabilité entre différentes formes de dettes.

Olivier Bouba-Olga (j’espère ne pas avoir fait de faute cette fois ;)), dans un post que j’ai beaucoup aimé, compare la croyance dans ce discours à la croyance en l’horoscope où l’on ne retient que les évènements annoncés qui se réalisent. Il revient également sur l’idée préconçue d’une soi disant moins grande efficacité des services publics par rapport aux services privés.

Econoclaste propose également un post sur « l’hystérie de la dette publique« .

Enfin, Bernard Salanié avait publié « le grand bêtisier de la dette publique » sur Telos.

Alors peut-on simplement avancer que la dette n’est pas quelque chose de bien ? Si elle pese sur les générations fuitures, une réduction actuelle de la dette peut également conduire à une réduction de l’engagement de l’Etat et des administrations porteur de croissance actuelle et future, faisant peser sur elles des risques de retards technologiques, de qualité dégradée de la formation et des compétences, et une réduction de la protection sociale.

14 Responses to Paru sur d’autres blogs : la dette publique n’est pas un mal en soi…

  1. Skav dit :

    Mes yeux, non !
    Puru sur d’autres blogs > Paru
    un mal en soit > soi
    Ce message s’auto-détruira une fois les dieux de la langue française apaisés.

  2. parfait sur l’ortographe de mon nom! bon, je suis sur Paris les 14 et 15 juin, ca doit pouvoir marcher pour une bière aux cafés éco…

  3. loulou dit :

    tres bon post
    pas trop le temps de commenter serieusement mais deux questions:
    1) la dette, qu’il puisse etre intelligent de la laisser pisser pendant qu’on abonde le fonds de reserve par exemple, pourquoi pas: mais est ce que cela ne revient pas a soutenir la these selon laquelle l’etat devrait etre le premier speculateur ou acteur sur les marches (actions, derives…). probleme, sur certains, il est un peu juge et partie…
    2) la dette cest la somme des deficits passes, et les deficits cest des soldes entre recettes et depenses; pourquoi alors qu’on peut pas vraiment dire qu’on est tres souvent en recession (ce qui pourrait etre une excuse), on veut pas payer pour nos depenses et on prefere les refiler a nos gamins?
    3) je sais j’avais dit deux et pas trois mais bon… l’argument selon lequel l’etat a besoin d’avoir une dette pour aider a la stabilisation des marches via entre autre les bons du tresor, pourquoi pas. j’ai juste du mal a croire que c’est par altruisme qu’on la fait dans le passé… rien n’empecherait en plus d’avoir une contrepartie en face qui serait elle abondee, non???
    je reviens demain pour essayer de faire moins brouillon car je trouve que c’est un sujet vraiment interessant; d’abord je relis pour à yoda yeux epargner
    (sur loulou est d’avoir quand meme faute oubliee)

  4. laurentsoulat dit :

    Oup’s, j’ai fait ça vite Skav et je n’ai pas trop relu. Merci pour les corrections 😉

  5. laurentsoulat dit :

    @ loulou : je revens aussi demain pour apporter participer, je suis un peu trop fatigué pour construire une réfextion quelconque ce soir !!!

  6. laurentsoulat dit :

    @ Olivier : un soir de café éco quel plaisir :)… ça devrait le faire pour ma tournée, malgré l’augmentation du coût de l’orge : http://nouvelleere.wordpress.com/2007/05/22/vers-la-penurie-de-bieres/
    L.

  7. laurentsoulat dit :

    Cher chervalier Jedi Loulou !

    Concernant ton 1er point : je n’ai pas vraiment de réponse. Est-ce que l’Etat est le premier spéculateur ou se place en assureur (en dernier ressort ?) ?

    2ème point : soit. Toutefois, il me semble que les dépenses publiques françaises tendent à être effectuées sur un mode de rattrapage. Par exemple les dépenses d’enseignement supérieur sont restées faibles du milieu des années 70 à la fin des années 80 (à la louche), conduisant à de lourdes dépenses pour rattraper les retards pris face à l’augmentation de l’entrée des étudiants à l’Université (dépenses de bâtiments, d’équipements…). Ces dépenses initiales génèrent, outre la dépense publique initiale, de la valeur à moyen et long terme, facilitant la réduction ex post du déficit. Toutefois, on retombe ici sur la question des choix d’allocation de la dépense publique.
    Mais si aujourd’hui on choisit de réduire le déficit, est ce qu’on ne fait pas peser sur « nos gamins » le poids de retards technologiques, d’équipements, de capital humain ?

    3ème point : est ce que ça ne rejoint pas le 1er point ?!

  8. Lors d’une analyse patrimoniale de la situation de l’état, le point amusant est d’évaluer la ligne « le droit de taxer » :).

    Sinon, le vieillissement de la population va surtout se jouer sur les gains de productivité généraux et ceux sur la productivité des services au retraités (incluant la santé). Le Japon, en pointe sur ce sujet) investit sur des robots et des équilibres non monétaires par exemple (système d’honneur pour l’aide au retraités).

    Essentiellement imprévisible je pense…

  9. charlie dit :

    Ce post me ferait presque retirer ce que j’ai dit sur l’économie sur nouvelle ère 🙂
    [presque]

  10. Laurent dit :

    @ Laurent : je n’ai effectivement jamais pensé à regarder la situation patrimoniale de l’Etat. Bonne idée. J’essaierai d’y jeter un oeil.
    Quant aux gains de productivité possibles dans certains services, ils peuvent permettre une réallocation vers les services à la personne dont les besoins sont croissants avec le vieillissement.
    Est-ce que tu pourrais développer sur les équilibres non monétaires ? S’agit-il de formes d’échanges ? De liens familiaux : les anciens sont pris en charge par la famille ?

    @ Charlie : c’est gentil d’être passée.
    Je ne suis pas en désaccord avec ce que tu as écrit sur http://nouvelleere.wordpress.com/ : si les résultats de la recherche en économie ne sont pas déterminés, pourtant les objets étudiés (en tant que sociologue politique, je sens bien que ce terme ne va pas le faire !!!) et le paradigme dans lequel sont étudiés ces objets déterminent largement des résultats. Toutefois, je pense que l’économie ne produit pas de règles strictes et immuables, même si les journalistes et les politiques tendent à réduire l’économie à des résultats uniques. Je crois que le débat sur la dette en est un bon exemple.
    De plus, il me semble aujourd’hui plus pertinent de travailler dans le cadre orthodoxe qu’hétérodoxe pour pouvoir avancer. Le paradigme néoclassique a la capacité de pouvoir modifier des hypothèses, comme l’illustre les travaux en imperfection d’information.

  11. @Laurent: parler de « grosse » dette, ou les comparer sans faire un bilan des actifs c’est un biais idéologique. L’industrie financiaire cherche bien sur a mettre la main sur les actifs rentables jusqu’ici financés par la dette publique (exemple d’actualité : les trains « financés » par le privé).

    Pour la productivité et les retraites c’est surtout le différentiel entre la productivité générale et celle des services aux personnes agées qu’il faut modéliser : comme le secteur va grossir on peut s’attendre à des efforts d’innovation supplémentaires.

    Pour la partie non monétaire au Japon c’est effectivement des taux tres eleves (comparés a l’Europe ou USA) de prise en charge maximale par la famille :

    http://intqhc.oxfordjournals.org/cgi/content/full/14/4/295

    « Until recently, Japanese society had a reputation for providing traditional family care for the elderly. In 1995, 32% of Japanese elderly were living with a married son, a decrease from 41% in 1980. Yet the percentage is still much higher than in other countries; it was 1.1% in the US and 2.4% in Germany in 1995 [7]. Daughters-in-law (34%) are the typical caregivers for bedridden or frail older persons [8]. If they were to become ill and be bedridden for one month, 43% of Japanese elderly would prefer to be cared for while living with their children. This is four times the rate reported for other countries [7]. »

    1% vs 32% ca fait une sacrée différence :). Bien sur avec l’age la médicalisation augmente partout.

  12. vieilledame dit :

    la dette, n’est-ce pas encore une façon de filer en douce des sous à ceux qui en ont déjà trop (puisqu’ils ont les moyens d’en prêter) , pendant que ceux qui sont condamnés à vivre au jour le jour paient des impôts (qui servent à payer les intérêts de la dette), sur tout ce qu’ils achètent pour survivre ? Je trouve que les friqués sont bien organisés !

  13. Il faudra bien équilibrer les comptes publiques, l’Europe l’exige, et l’avenir également.

  14. Johne494 dit :

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