Les économistes dans la campagne présidentielle

Le 13 mars, dans un article sur le blog Télos, Olivier Blanchard, économiste français célèbre, apportait son soutien à Nicolas Sarkozy, suscitant de vives réactions dans le monde des économistes.

En retour, 27 économistes connus viennent de signer un appel en faveur de Ségolène Royal, appel repris dans Les échos du 4 avril. Les économistes signant l’appel en faveur de Ségolène Royal estiment que la candidate socialiste est la mieux placée pour « remettre sereinement la France sur le chemin d’une nouvelle croissance, durable et partagée ».

Que les économistes s’impliquent dans la campagne ne me semble pas choquant. Mais se placent-ils en spécialistes ou cherchent-ils à replacer le débat économique parmi les citoyens ?

Sur quels critères fondent-ils leur soutien ? Il me semble que les raisons qui ont poussé certains à soutenir Sarkozy sont les mêmes que celles qui poussent d’autres à suivre Ségolène Royale.

Mais cette opposition de soutiens aux « gros » (candidats !) ne masque-t-elle pas un manque de considération envers l’ensemble des candidats, y compris des petits, qui pourtant ont aussi des propositions sur le partage de la richesse, les modes de production dans un contexte de changement climatique… ?

Voici l’appel des 27 économistes ci après :

Nous sommes des économistes aux parcours divers et aux opinions variées travaillant dans des universités et des centres de recherche français ou étrangers. Nous sommes convaincus que pour redresser l’économie française et répondre aux défis du plein-emploi et de la préservation de l’environnement, plusieurs réformes fondamentales sont nécessaires.

Les politiques publiques doivent soutenir l’innovation, l’investissement, non la rente. Ces politiques doivent prendre pleinement en compte les objectifs du développement durable. Il faut attaquer l’échec scolaire à la racine, réformer les universités et offrir une formation professionnelle tout au long de la vie, car le capital humain est le déterminant fondamental de notre croissance. Pour réduire le déficit et redonner des marges de manoeuvre à la puissance publique, l’Etat doit devenir plus efficace, fixer des missions aux services publics et les évaluer. Les entreprises françaises doivent gagner en souplesse pour être compétitives, mais cette souplesse ne peut s’obtenir au prix de la précarité des individus. La négociation sociale doit jouer pleinement son rôle pour favoriser l’emploi et la progression du pouvoir d’achat des salaires. La fiscalité doit être simple, peser moins lourdement sur le travail et conduire à économiser les ressources naturelles. Les freins à l’activité économique des femmes doivent être levés.

Nous ne partageons pas nécessairement toutes les idées du pacte présidentiel de Ségolène Royal, mais nous soutenons sa candidature à la présidence de la République parce que son approche est la seule qui prenne en compte ces différents aspects.

Ségolène Royal veut investir massivement dans la recherche et l’éducation. Elle propose de limiter le nombre d’élèves par classe et d’augmenter les moyens des établissements dans les ZEP. Elle propose d’accroître l’autonomie et les moyens des universités, en contrepartie d’une exigence accrue pour le placement des étudiants et la qualité des recherches. Elle souhaite réformer l’Etat en mobilisant les fonctionnaires, et non en leur jetant l’opprobre. Elle veut mettre la négociation entre partenaires sociaux au coeur du système économique et diminuer d’autant les interventions législatives. Elle propose de créer un service public de l’emploi, qui sache accompagner, former et, quand il le faut, sanctionner les abus. Ces réformes permettront de concilier la souplesse des entreprises et la sécurité aux individus. Elle s’est engagée de longue date en faveur du développement durable, et ses convictions lui donnent dans ce domaine une crédibilité unique parmi les principaux candidats. Elle propose la création d’un service public de la garde d’enfants pour améliorer la situation des femmes sur le marché du travail. Elle choisit de stabiliser les prélèvements obligatoires et de réduire progressivement la dette publique pour financer ces réformes structurelles, au lieu de promettre des baisses immédiates.

Nous, signataires de cet appel, sommes convaincus que Ségolène Royal est la mieux placée pour remettre sereinement la France sur le chemin d’une nouvelle croissance, durable et partagée.

Les signataires de cet appel sont : PHILIPPE AGHION, professeur à Harvard ; JEAN-PIERRE ALLEGRET, professeur à l’université Lyon-II ; PHILIPPE ASKENAZY, chercheur au CNRS ; FRANÇOIS BÉLORGEY, chercheur à l’Ires ; ANDRÉ CARTAPANIS, professeur, doyen honoraire, Aix-Marseille ; GILBERT CETTE, professeur à l’université de la Méditerranée ; DANIEL COHEN, professeur à l’Ecole normale supérieure ; CHRISTINE ERHEL, maître de conférence à Paris-I ; MARC FLEURBAEY, directeur de recherche au CNRS ; JACQUES FREYSSINET, professeur émérite, Paris ; ANDRÉ GAURON, ancien conseiller de Pierre Bérégovoy ; BERNARD GAZIER, professeur à l’université Paris-I ; JEAN-FRANÇOIS GOUX, professeur, doyen honoraire, Lyon-II ; NATHALIE GREENAN, chercheuse au CNRS ; JÉRÔME LALLEMENT, professeur à l’université Paris-V ; PHILIPPE LANGEVIN, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille ; CHRISTOPHE LAVIALLE, maître de conférences, Orléans ; EL MOUHOUB MOUHOUD, professeur à l’université Paris-Dauphine ; ROBERT LION, ancien président de la Caisse des Dépôts et Consignations ; PIERRE-ALAIN MUET, ancien président de l’Association française de science économique ; THOMAS PIKETTY, professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales ; THOMAS PHILIPPON, professeur à New York University ; MICHEL RAINELLI, professeur, Nice Sophia-Antipolis ; PIERRE RALLE, professeur associé, Paris-Dauphine ; ALAIN SAND, professeur, ENS Lyon ; PATRICK VILLIEU, professeur à l’université d’Orléans ; HÉLÈNE ZAJDELA, professeur à l’université Paris-Nord.

3 Responses to Les économistes dans la campagne présidentielle

  1. eco no myth dit :

    Je ne crois pas que les critères soient totalement les mêmes.
    En effet, l’appel des 27 fait plutôt référence à un fond idéologique qui a pour volonté de mener en parallèle un développement social et économique. Ils ne jugent pas réellement de propositions concrètes mais des idées générales, reste à voir comment elles seraient appliquées.
    A l’inverse, Blanchard fait référence à du pratique, de l’urgent. Pas de long terme ni d’idéologie. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement puisqu’il était, jusqu’à maintenant, plutôt à gauche. Je trouve qu’il pinaille pas mal dans son article, car lorsqu’il oppose les deux candidats, je trouve que l’essentiel des différences est sémantique.

  2. remibaz dit :

    Laurent, tu y vas un peu fort. Complétement d’accord avec eco no myth. Pourquoi les raisons seraient les mêmes? Et ton dernier paragraphe est un peu partial… 😉

  3. laurentsoulat dit :

    @ remibaz : oui j’y vais un peu fort et je suis d’accord avec les propos d’eco no myth.
    De plus, d’un côté il s’agit d’un soutien individuel alors que de l’autre, il s’agit d’une démarche collective.
    Toutefois, il m’aurait toutefois semblé intéressant de considérer que d’autres économistes soutiennent d’autres candidats, ou d’autres initiatives, afin d’éviter la réduction à deux candidats à l’élection présidentielle française.
    Dans cette idée, des économistes et des statisticiens travaillent sur des questions qui échappent largement à cette opposition entre les programmes des deux candicats. On peut citer par exemple les travaux de Dominique Plihon, les travaux des économistes et statisticiens du Redefining Progress sur l’indicateur de progrès véritable (GPI, Genuine Progress Indicator) ou ceux du BIP40.

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